« THE GREAT RESIGNATION » – SYNTHESE DE LA SOIREE-DEBAT UDAP DU 26 SEPTEMBRE 2022

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« La Grande démission » a commencé aux Etats-Unis. C’est la traduction de « The Great resignation » correspondant à une vague de départs volontaires des entreprises constatée après les confinements liés au COVID.

Une telle explosion des démissions ne s’est pas produite en Europe, même si la Grande-Bretagne, l’Italie, la France et même l’Espagne enregistrent une hausse des démissions : des cuisiniers, aux infirmières, en passant par les cadres dans la finance… les démissions progressent.

En revanche, ce phénomène d’ampleur ne semble pas atteindre des pays comme l’Allemagne, l’Autriche et les pays scandinaves. Existerait-t-il un lien avec la gouvernance des entreprises qui associe davantage, dans ces pays, les représentants des salariés, au sein des Conseils d’Administration ? Mais démissionner pourrait aussi résulter de la frustration ou de l’ennui…même si beaucoup hésitent à sauter le pas, par peur de l’avenir. C’est le cas pour 62 % des femmes, interrogées en mai dernier par l’IFOP, pour le cabinet de recrutement Garance&Moi, sondage relayé par France Info. Et pour celles et ceux qui restent dans leur entreprise par défaut, la « démission silencieuse » ou le désengagement guettent. Ainsi, d’après le dernier Baromètre Absentéisme de Malakoff Humanis, du 8 septembre dernier, les managers sont désormais parmi les plus touchés par l’absentéisme. Et le désengagement des collaborateurs serait en augmentation ces deux dernières années, selon les résultats de ce Baromètre.

Quelles sont les raisons de cette désaffection pour l’entreprise ? Comment s’y préparer ? Les entreprises d’assurances sauront-elles mieux y faire face que d’autres ? Pour répondre aux questions de l’UDAP :

 

Bruno Angles, Directeur Général, AG2R LA MONDIALE

Diane Deperrois, Directrice Générale, AXA Santé Prévoyance France et Présidente de la Commission du MEDEF portant sur la réforme de la protection sociale

Philippe Vivien, Vice-Président, ALIXIO

 

1/ Les causes de « La Grande Démission »

Selon Philippe Vivien, le phénomène de démissions existe depuis 2016. Peut-on parler de Grande démission ? La réponse est « oui », car ce phénomène s’accompagne d’une difficulté à recruter. Le taux de démission est un indicateur cyclique lié au taux de chômage.

Le salaire reste la première raison des départs volontaires. En restant dans la même entreprise, l’augmentation plafonne entre 5 et 7 %. En changeant, ce niveau atteint plutôt 15 %. Le trend des 300 000 de ruptures conventionnelles, enregistrées par trimestre, est complètement tombé pendant le Covid pour remonter à 500 000. Ces ruptures conventionnelles n’ont pas supprimé les démissions. Les personnes concernées profitent parfois de ce changement pour déménager.

Diane Deperrois, constate que les personnels s’échangent beaucoup d’une entreprise à l’autre en ce moment, préférant ainsi le terme de « Grande rotation » à celui de « Grande démission ». Apparue en 2019, puis stoppée par le Covid, cette rotation reprend. Plus inquiétant, les assureurs ont tous les mêmes besoins de compétences, pour les fonctions commerciales, les data et l’actuariat, les actuaires n’étant pas formés en nombre suffisant. Rien à voir avec le phénomène constaté aux Etats-Unis, car en France les salariés sont peu mobiles et les démissions concernent surtout les managers.

 Bruno Angles, ne se sent pas « victime » de démissions mais plutôt « coupable », car dans la période AG2R LA MONDIALE attire des profils de qualité… démissionnaires d’autres entreprises. Du vocabulaire offensif de « La Guerre des talents » des années 1999-2000, nous sommes passés au défensif, avec « La Grande démission ». Certains jeunes préfèrent le CDD au CDI, traduisant une volonté de ne pas s’engager sur le long terme et un désir de liberté. Plus que la grande démission, il redoute la démission silencieuse.

Philippe Vivien attribue à l’excès de normes le sentiment de névrose des Français auxquels il faut offrir la possibilité de réaliser une épopée.  Les cadres du développement professionnel sont en train de changer. De nombreuses branches professionnelles changent leur modèle, à l’image de la métallurgie, par exemple.

 

2/Les remèdes pour vaincre « La démission silencieuse »

Qu’est-ce qui intéresse les jeunes ? Participer à une aventure, réaliser une mission et ne pas travailler dans un modèle pyramidal et vertical, estime Diane Deperrois. La crise Covid a obligé à interroger notre mode de management et notre rôle. Depuis l’Accord National Interprofessionnel Santé au travail du 9 décembre 2020, signé par les partenaires sociaux et portant notamment sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT), il est impératif que nos collectifs soient heureux de vivre et de travailler dans un environnement de qualité.

Philippe Vivien ajoute que la sanction est désormais immédiate, si l’entreprise ne donne pas les moyens aux managers de travailler leur relation à l’autre. Ce qui expliquerait d’ailleurs que des jeunes préfèrent aller dans les petites entreprises, plus conviviales que les grandes.

D’où la nécessité pour ces entreprises de travailler leur marque employeur, d’exprimer leur culture et leur façon de travailler, ajoute Diane Deperrois : accord de télétravail, accompagnement des salariés de proches aidants d’une personne en situation de handicap ou de perte d’autonomie… Tous les dispositifs qui complètent les garanties santé et prévoyance, afin que nos collaborateurs se sentent épanouis et que nos managers soient accompagnés. AXA analyse les données de 2,5 millions d’assurés par an pour trouver les moyens d’aider les DRH à mieux comprendre la situation de leur entreprise, notamment en matière d’absentéisme et ce, afin de garder des collectifs engagés.

La mission confiée par Bruno Angles, à Claire Silva en charge des RH et des relations sociales à AG2R LA MONDIALE, est de tout mettre en œuvre pour attirer, retenir et développer les meilleurs. Et sur les métiers en tension, la cooptation entre collaborateurs fonctionne. C’est un moyen efficace pour identifier les bons candidats qui suivent ensuite les process de recrutement. L’agilité devient une vertu cardinale. Nous finalisons le projet stratégique du groupe 2023-2025. Qui prévoyait il y a 8 mois, la guerre, les pénuries de matières premières, la hausse de l’inflation et des taux d’intérêt ? Dans 8 mois, que donnera la réforme des retraites ? De la complémentaire santé ? Ainsi, Nous allons valoriser le « tous agiles et tous responsables ». Il nous faut trouver des invariants dans cet univers incertain, des valeurs très fortes. Pour cela, j’ai donné aux managers mes 15 principes très forts sur lesquels nous communiquons.

 

3/Renforcer l’attractivité du secteur de l’Assurance

Pour Philippe Vivien, le secteur de l’Assurance n’est pas celui qui fait le plus rêver, ne produisant ni de beaux avions, ni des innovations extraordinaires. Aux Etats-Unis, quand une compagnie embauche une nouvelle recrue, elle donne 200 $ au manager pour faire la fête avec l’équipe. Quand j’en parle en France, on m’objecte… l’Urssaf ! Comment arriver à monter des épopées, lorsqu’on travaille dans des entités aux chaînes hiérarchiques trop longues ? C’est la difficulté à laquelle se heurte le secteur de l’assurance, comme celui de la banque.

Bruno Angles, salue le travail de France Assureur qui communique sur la valeur ajoutée du secteur. La création et le développement de notre économie ne seraient en effet pas possible sans assurance. Des efforts restent à faire pour renforcer la fierté d’appartenance à notre entreprise, comparée à celle partagée par les 28 000 salariés de Engie, par exemple. D’où la création du comité exécutif jeunes, baptisé « Comme1Comex », composé de 8 hommes et 8 femmes de moins de 40 ans dont le rôle est d’aiguiller le vrai Comex, par exemple. Le plus difficile est de faire comprendre à ces jeunes qu’il est de leur devoir de le saisir sur des sujets qu’ils ont identifiés. Nous recherchons les moyens de capter l’intelligence collective de toute l’entreprise.

L’intégration des jeunes en alternance a fait un bond considérable ces dernières années grâce aussi à l’accompagnement par le Ministère. C’est le moyen de les associer à des projets qui ont du sens à leur yeux, selon Diane Deperrois, citant l’exemple de la conception d’une application destinée à rembourser plus rapidement des sinistres. L’expérientiel dans le travail est plus important parmi les jeunes générations.

 

4/Renforcer l’engagement des collaborateurs

Bruno Angles constate, à la différence d’autres secteurs, un engagement très fort du Comité de Direction Groupe (CDG), du Comex et du Comité des Managers de Directions (Comadir), mais parfois moindre à d’autres niveaux. Mon rôle est d’entraîner, avec le CDG et le Comex, le top 200 qui entraînera à son tour les 15 000 collaborateurs du Groupe. Notre Baromètre d’engagement permet d’en mesurer les résultats. S’ils sont bons, nous retiendrons nos collaborateurs.

Diane Deperrois partage ce constat à propos de l’importance de prendre le pouls régulièrement des collectifs afin de faire évoluer les pratiques, notamment managériales. Les transformations dans les entreprises doivent déboucher sur des solutions plus simples pour le manager, le collaborateur et le client. La crise Covid a accéléré la pratique du télétravail, passé progressivement de 1 à 3 jours par semaine chez AXA, après enquête auprès des collaborateurs. Par ailleurs, AXA a créé une offre d’accompagnement des salariés pour les gardes d’enfant, mais aussi pour leur rôle d’aidant, d’un enfant handicapé ou d’un parent âgé.

Reste le problème de l’accès aux soins. De plus en plus de DRH nous achètent des bilans de santé pour leurs collaborateurs. Je pense que l’on ira de plus en plus vers cela. Des PME s’y intéressent aussi et viennent chercher des solutions pour étoffer leur marque employeur.

Philippe Vivien constate que toutes les entreprises sont aujourd’hui en train de pivoter, à l’image de l’accord de télétravail chez Renault, par exemple. Le dialogue social de branche est riche avec des accords conclus à tous les niveaux et dans tous les secteurs portant notamment sur l’organisation du travail, la formation… De plus en plus, on trouve des personnes qui, à tout âge, ont envie de créer leur propre entreprise ou d’assurer des missions de manager de transition. Et si le Covid était arrivé avant Internet ? Nous n’aurions sans doute pas confiné et le télétravail ne se serait pas autant développé. Mais dans la quasi-totalité des métiers, il y a une dimension de compagnonnage des nouveaux entrants que ne peuvent pas remplacer les meilleures formations à distance.

Pour Bruno Angles, le télétravail a été une « roue de secours » bienvenue pendant les confinements, mais elle ne peut pas nous permettre de rouler en permanence. Chez AG2R LA MONDIALE, un accord prévoyait déjà 2 jours de télétravail par semaine, avant la crise Covid. Je ne souhaite pas aller au-delà, car le narratif collectif et l’épopée atteignent vite leurs limites en télétravail.

Les entreprises à but non lucratif disposent-elles d’un avantage en termes d’attractivité par rapport aux entreprises cotées ? Bruno Angles souligne l’avantage de ne pas avoir d’actionnaires à rétribuer et de ne pas être soumis à un reporting trimestriel à soumettre aux marchés financiers. Pour autant, il est tout aussi important de rechercher la performance et le développement dans la durée, sans la pression du très court terme. Et globalement, le secteur de l’assurance rémunère mieux que celui de l’industrie.

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