« NET ZERO : DE QUOI PARLE-T-ON ? QUELS ROLES POUR LES ASSUREURS » – SYNTHESE DU PETIT-DEJEUNER UDAP DU 11 OCTOBRE 2022

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L’Accord de Paris de 2015 a donné lieu à des engagements Net Zero ou neutralité carbone pour limiter le réchauffement climatique. Les assureurs les déclinent dans leurs propres objectifs environnementaux. Mais qu’est-ce que le net zéro ? Comment se mesure-t-il ? Quel est le rôle des assureurs via leurs activités d’assurance, d’investissement et leurs opérations internes ? Quelles actions d’adaptation et de mitigation prennent-ils ?

Céline Soubranne Weber, spécialiste du développement durable, est Directrice ESG (Environnement Société Gouvernance) de AXA IM. Après avoir été journaliste et en charge du développement du territoire de la Moselle, elle a rejoint AXA en 2007. Depuis 2011, elle s’est investie sur les sujets de prévention et de responsabilité d’entreprise et a notamment mis en place le reporting climatique et la stratégie Net Zero. Elle apporte son éclairage :

1/ Construire une trajectoire de Net Zero

  • Le Net Zero consiste à réduire les émissions de gaz à effets de serre pour tendre vers zéro ou faire en sorte que ces émissions soient absorbables par la nature. Cet objectif mondial de zéro émission nette doit être atteint d’ici 2050.
  • Le changement climatique constitue un risque pour le secteur financier et l’Assurance. D’où la nécessaire construction d’une trajectoire de Net Zero dans le secteur. Sont pris en compte, les risques à la fois physiques (la montée des eaux, par exemple) ou des risques de transition liés au passage d’un modèle économique à l’autre. Il existe aussi des risques juridiques quand les entreprises n’agissent pas pour réduire leur impact sur le changement climatique. Mais cette trajectoire est aussi une source d’opportunités, grâce à la croissance des énergies vertes .
  • La mitigation consiste à atténuer le risque de réchauffement climatique, en agissant sur les causes : réductions de gaz à effet de serre, compensation et séquestrations du CO2. Le réchauffement climatique qui produit déjà son lot de catastrophes naturelles (inondations, températures extrêmes…) contraint déjà nos sociétés également à l’adaptation à ses conséquences grâce à des mesures de protection de la nature notamment (cf par exemple, la préservation de la mangrove sur les côtes pour limiter l’érosion et la montée des eaux).
  • Par rapport aux Accords de Paris de 2015 et leur objectif de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C, la France a déjà atteint ce niveau et la moyenne mondiale est supérieure à 1,1°C. Ces accords prévoient une baisse collective de 45 % à l’horizon 2030-2050. 70 pays responsables de 76 % des émissions ont déposé leur contribution (y compris la Chine, les Etats-Unis et l’Union Européenne). Auxquels s’ajoutent 1 200 entreprises dans 400 secteurs d’activité.
  • Lors de la COP 26 des Nations Unies à Glasgow, en 2021, il a été convenu de remettre à jour les objectifs de 2015 et de renforcer le plan d’action pour corriger la trajectoire. 10 pays les plus émetteurs sont en effet responsables des 2/3 des émissions. Chine en tête, car elle devenue l’usine de fabrication de l’ensemble de l’économie mondiale. Il est donc nécessaire de bâtir un cadre global avec un cadre réglementaire clair et convergent pour un impact réel face au changement climatique.

 

2/L’Assurance : acteur du climat

  • Avec leurs financements et investissements, les acteurs financiers et de l’Assurance peuvent jouer un rôle moteur pour diminuer les émissions, atténuer leurs effets et contribuer à l’adaptation de l’économie au changement climatique.
  • Le Net Zero Asset Owner Alliance est un groupe international créé en 2019 et présidé par Allianz. Il est composé de 60 investisseurs dont Axa et Generali. Une méthodologie commune a été adoptée pour mesurer l’empreinte carbone des portefeuilles d’actifs. Chaque acteur étant libre ensuite de fixer son objectif. Axa veut réduire de 20 % l’empreinte carbone de son portefeuille d’ici 2025. Un nouvel objectif sera fixé pour 2030. Une certaine prudence est nécessaire, car des événements imprévus peuvent perturber la trajectoire (cf la guerre en Ukraine et la crise de l’énergie). Entre 2030 et 2040, la sortie de l’industrie du charbon, en Europe et dans le Monde, sera totale. Le travail porte, pour l’essentiel, sur la réallocation d’actifs. Les exclusions à elles seules ne peuvent être la solution car un portefeuille doit refléter la variété des activités économiques. Dans le secteur pétrolier, par exemple, Axa va choisir les entreprises qui conduisent de plans de transition avec une trajectoire pour décarboner l’économie mondiale.  Le Groupe utilise en outre son droit de vote pour inciter à la décarbonation. Enfin, AXA privilégie l’investissement dans les entreprises qui ont fait certifier leurs objectifs de décarbonation par SBTi (Science Based Targets initiative).
  • En parallèle, sont multipliés les investissements verts. AXA s’est fixé un objectif de 26 Md€ d’investissement d’ici 2023 sur le secteur vert. La contrainte ? Trouver des projets (infrastructures bas carbone, énergies renouvelables…) et vérifier qu’ils sont réellement verts.
  • AXA IM est membre également de l’alliance Net Zero Asset Managers Initiative (NZAMI), créée en décembre 2020. Ce sont 128 acteurs qui disposent d’une méthode commune. L’objectif d’AXA IM engagé dans une trajectoire Net Zero est d’atteindre 100 % du portefeuille d’actifs (580 Md€ sous gestion) en 2040 (65 % fin 2021, 41 % en 2022), en excluant le charbon et en investissant 38 Md€ dans des actifs verts. Axa IM engage aussi les entreprises dans cette voie.
  • La Net Zero Insurance Alliance (NZIA), fondée le 11 juillet 2021 par des assureurs et réassureurs internationaux (Axa, Allianz, Aviva, Generali, Munich Re, Scor, Swiss Re et Zurich Insurance) est présidée par Axa. Les fondateurs s’engagent à faire évoluer leurs portefeuilles de risques des dommages aux biens des particuliers et entreprises en fonction des émissions de carbone du portefeuille assuré (engagement au passif de leur bilan), afin d’atteindre l’objectif du Net Zero en 2050. Placées sous l’égide des Nations Unies, les équipes du UN-PSI (United Nations – Principles for Sustainable Insurance), assurent le secrétariat de la NZIA et sont basées à Genève. C’est un tiers de confiance qui apporte la diplomatie, des économistes de l’ONU et la gestion de projets. La méthode commune et la définition des objectifs (en cours de construction), devraient aboutir en fin d’année. Objectif des travaux ? mesurer l’empreinte carbone du portefeuille d’assurance et fixer des objectifs de réduction.
  • En assurance auto, baisser la prime d’un assuré qui roule en voiture électrique – alors que les sinistres sont plus coûteux que sur une voiture diesel – constitue un vrai choix stratégique. Assurer une ferme d’énergie solaire également, car le risque de sinistre est plus important que pour une centrale à charbon dont on maitrise, à ce jour, mieux les données de sinistralité. La diminution du risque doit en effet s’envisager dans le temps et non à court terme.
  • Les risques évoluent avec le changement climatique. Par exemple, si des fissures apparaissent dans les murs d’une maison construite sur un terrain argileux, elles s’avèrent plus importantes qu’il y a quelques années, à cause de la sécheresse et la profondeur des fondations peut alors se révéler insuffisante ou les matériaux de construction inadaptés. Autre exemple : en raison du recul du trait de côte en Atlantique, les habitants doivent assumer leur choix entre déménager ou prendre le risque de subir des inondations. A la différence des Etats-Unis où l’assurance contre le risque climatique est peu développée, la France a créé le régime obligatoire d’assurance public-privé des catastrophes naturelles – 12 % de la prime d’assurance multirisque habitation.
  • La prise en compte de l’évolution du risque climatique concerne tous les métiers de l’assureur. Chez Axa, au cours des derniers mois, toutes les directions ont apporté leur contribution et une gouvernance adaptée a été instaurée avec une réunion mensuelle, co-pilotée par les directions risques, investissements et développement durable, réunissant toutes les autres expertises (juridique, comptabilité, affaires publiques, RH…) et tout un travail a été fait pour redéfinir les rôles et responsabilités de chacun. C’est une véritable transformation dans les entreprises qui doivent pour cela définir comment se réorganiser.
  • L’adhésion aux alliances concerne surtout des assureurs internationaux positionnés sur toutes les lignes de métiers, car la notion d’empreinte carbone locale à elle seule, n’a pas trop de sens pour des acteurs à l’échelle mondiale.
  • L’accès à des données ESG extra-financières est un véritable enjeu, car la prise en compte de ce sujet est relativement nouveau : la Loi relative aux Nouvelles Régulations Economiques (NRE) du 15 mai 2001 imposait aux sociétés cotées un reporting RSE et le chapitre portant sur les données extra-financières dans la directive européenne date de 2017. La mise en œuvre de la directive du 21 avril 2021 (Corporate Sustainability Reporting Directive – CSRD) est en cours. Elle remplace le reporting ESG et introduit de nouvelles obligations pour les entreprises, élargissant le périmètre d’application, avec à la fois des données narratives et surtout des chiffres normés. A ce stade, les données proviennent des rapports annuels d’activité des entreprises et de providers de données financiers (Vigeo Eiris, MSCI…). Les analystes financiers ESG sont donc des pionniers et cette expertise est très recherchée.
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