« Comment valoriser l’apport et les atouts des seniors dans l’entreprise ? », compte-rendu du petit-déjeuner UDAP du 3 mars 2020

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Sous l’effet des réformes des retraites, le taux d’emploi des 50-64 ans s’est amélioré en France, passant de 53,5 % en 2003 à 62,4 % en 2019. Mais le taux d’emploi des 60-64 ans chute à 30 % quand la moyenne européenne est à 45 %. (données Insee). Le recul de l’âge moyen de départ à la retraite, en France et ailleurs, est une conséquence de l’augmentation de l’espérance de vie. C’est pourquoi l’emploi des seniors constitue un enjeu majeur. Entreprises, salariés, syndicats et pouvoirs publics doivent se mobiliser pour valoriser l’expérience et prolonger l’activité professionnelle des seniors.

Les intervenants :

  • Olivier Mériaux, consultant au sein du cabinet Plein Sens (Conseil en management), ancien Directeur Général Adjoint de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) et chercheur politologue à Science Po. Il est co-auteur du rapport sur l’emploi des seniors, remis au Gouvernement en janvier dernier. Un rapport réalisé avec Sophie Bellon, Présidente du Conseil d’Administration de Sodexo et Jean-Manuel Soussan, DRH de Bouygues Construction.
  • Jean-Luc Bilhou-Nabéra, membre du Conseil d’Administration de l’UDAP et pilote du groupe de réflexion Générations Seniors, à l’origine des 10 propositions de l’UDAP pour une politique de prolongement de l’activité professionnelle des seniors. Il occupe la fonction d’Inspecteur Général à AG2R-La Mondiale.

 

Olivier Mériaux

1/ Contexte et raisons de la mission sur l’emploi des seniors

En avril 2019, pendant les débats en région à propos de la réforme des retraites, Emmanuel Macron déclare qu’il n’est pas possible de traiter ce dossier sans aborder le sujet de l’emploi des seniors. En juin, Edouard Philippe, annonce un plan d’emploi des seniors. Les partenaires sociaux le réclament en septembre et le Premier ministre confie une mission à trois experts (cf ci-dessus). Le rapport de la mission Bellon-Mériaux-Soussan est remis au Gouvernement le 14 janvier 2020 :

https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/mission-sur-le-maintien-en-emploi-des-seniors-rapport-au-premier-ministre

2/ Propositions concrètes, en particulier pour les cadres du secteur de l’Assurance et des salariés de leurs entreprises clientes

Plutôt que « maintien dans l’emploi des seniors », renvoyant une image assez négative, le rapport parle de « favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés », expression reprise par le Premier Ministre dans son courrier adressé aux partenaires sociaux, en février dernier.

Aujourd’hui, dans la pratique, les grandes entreprises savent très bien piloter les process organisant les départs des salariés à 58,5 ans. C’est le résultat d’un « arrangement » avec le salarié pour déterminer le montant de son indemnité de départ qui permette de compléter les indemnités chômage jusqu’à l’âge de la retraite. Dans les PME, la logique est souvent différente, car il s’agit au contraire de garder les compétences dans un contexte de pénurie de salariés qualifiés.

Comment rompre avec cette pratique de sorties précoces du marché du travail qui dure depuis des décennies ? En agissant simultanément sur tous les leviers relatifs au « vieillissement actif » préconisés depuis les années 2000 par la Commission Européenne.

Après avoir réalisé plus de 70 auditions (partenaires sociaux, représentants de petites et grandes entreprises, experts des ressources humaines, de la protection sociale, du travail, de l’emploi et de la formation) et établi un diagnostic précis de l’emploi des travailleurs expérimentés en France, une quarantaine de propositions concrètes sont formulées dans le rapport. Elles s’articulent autour de 5 axes :

  1. Mettre les enjeux du vieillissement au cœur des politiques de prévention et de santé au travail. Car la logique de réparation (légitime) prévaut largement aujourd’hui.
  2. Prévenir le risque d’obsolescence des compétences en seconde partie de carrières et favoriser la transmission des savoirs. On constate en effet que l’effort de formation diminue à 35 ans et 45 ans pour les cadres. Par ailleurs, ces derniers ne sont pas forcément à l’aise dans toutes les formations et il conviendrait de prendre appui sur la valeur de l’expérience.
  3. Faciliter et organiser les mobilités et les transitions professionnelles favorables au maintien dans l’emploi.
  4. Favoriser les transitions plus progressives entre « pleine activité » et « pleine retraite ». Le rapport milite pour l’organisation d’un « ralentissement » progressif en fin de carrière. L’une des particularités françaises est que le départ en retraite prend souvent la forme d’une rupture totale et irrémédiable avec le travail, et donc avec tous les liens sociaux et le sentiment d’utilité sociale qu’il procure malgré tout, le plus souvent. Même si on ne le dit pas très fort, les statistiques du ministère de la santé montrent que la retraite engendre une forte hausse ponctuelle des situations de dépression, d’alcoolisme… et donc aussi des dépenses de santé. Le projet de loi prévoit d’ouvrir la retraite progressive aux salariés en forfait jours, comme les cadres. Les entreprises auraient intérêt à négocier collectivement des règles, en prévision d’un afflux de demandes de retraites progressives émanant de cadres, à partir de 2022. Il serait nécessaire de construire des organisations plus souples et personnalisées qui soient en mesure de garder des salariés âgés à temps partiel, sans doute avec des niveaux de responsabilités et de rémunérations modifiés. Le rapport propose à cet égard d’expérimenter une formule d’aménagement conventionnel de fin de carrière, qui existe par exemple dans la branche du BTP, et qui prévoit de repositionner un cadre volontaire dans la grille conventionnelle — et donc de baisser son salaire — tout en lui versant, par anticipation, les indemnités conventionnelles de licenciement lui permettant ainsi de compenser sa baisse de rémunération.
  5. Accélérer la transformation culturelle des organisations pour faire évoluer les représentations. L’organisation doit pour cela adopter une démarche plus inclusive.

 

Pour mettre en œuvre cette stratégie de « vieillissement actif », il est nécessaire de redynamiser le dialogue social de branche et de mettre fin au sentiment partagé par de nombreux DRH d’une instabilité du cadre des négociations. Le jeu est donc ouvert au niveau des branches professionnelles. Un amendement du projet de loi sur les retraites prévoit d’inclure dans le Code du travail, le vieillissement des femmes et des hommes dans les négociations de branche sur la GPEC, les conditions de travail et pénibilité, avec une multiplication par deux des fonds de prévention de la CNAMTS.

 

Jean-Luc Bilhou-Nabera

L’UDAP a commencé en 2017 à réfléchir aux questions entourant le recul de l’âge de départ à la retraite des salariés et à se préoccuper spécifiquement du devenir des cadres de direction, en organisant son grand débat annuel de novembre sur le sujet. La réflexion a ensuite été poursuivie par cinq des membres du CA de l’UDAP. Nous avons ainsi établi un constat et 10 propositions.

L’emploi des seniors est un problème sociétal qui a été occulté en France. Il est pourtant fondamental, sinon comment repousser l’âge de la retraite ?  51 % seulement des personnes qui demandent leur retraite sont encore en activité au moment de leur départ.

Les entreprises organisent en effet l’hémorragie des cadres seniors, depuis le second choc pétrolier de 1973, coïncidant avec le début de l’arrivée sur le marché du travail des premières générations du baby-boom. Elles ont depuis multiplié les pré-retraites, relayées par les « garanties de ressources » financées par l’assurance chômage et par la retraite à 60 ans à partir de 1982. En cherchant à faire sortir des salariés âgés pour faire entrer des jeunes, les entreprises ont « vieilli » les 55-65 ans, vus comme « vulnérables et non reclassables ». La politique de l’emploi des seniors, défini en 2005 par un Accord National Interprofessionnel et considérant les salariés seniors à 45 ans, n’a donc pas évolué depuis 15 ans.

Or, cette perception du salarié âgé ou senior est relative et varie selon les pays. Un Japonais est considéré comme âgé à partir de 70 ans et un Suédois à 67 ans.  En Suède, les seniors sont perçus comme « vulnérables, mais reclassables », selon Anne-Marie Guillemard, sociologue intervenant au Colloque seniors de l’URIF-CFE-CGC, le 13 novembre 2018. D’où une demande et des moyens de reclassement et de formation importants à leur profit. En Finlande, en raison de la faible natalité et du vieillissement de la population, il n’est pas question de sortie précoce du marché du travail. Pour des raisons économiques, un plan quinquennal a été lancé avec un mot d’ordre : « Le bien-être au travail » pour que le travail soit supportable plus longtemps. Des études y auraient montré que décaler les départs en retraite de 5 ans avait en effet un impact positif de 1,7 point de PIB annuel.

Une reconfiguration du système global du travail en France permettrait une optimisation des taux d’emploi à tout âge. Car, selon l’économiste Patrick Artus, plus les taux d’emploi par tranche d’âge sont élevés et mieux un pays se porte.

Les 10 propositions de l’UDAP :

  1. Communication et changement de paradigme

Renoncer à l’emblématique frontière des 45 ans pour parler génériquement des seniors en entreprise et convenir de repousser désormais cette dénomination à des personnes âgées d’au moins 55 ans.

  1. Personnalisation des parcours

Pour autant, l’âge ne peut être le seul facteur déterminant de l’aptitude d’un salarié à travailler plus longtemps et des mesures à mettre en œuvre ; d’autres critères sont tout aussi importants comme le genre, la pénibilité des tâches, les intérêts et les situations personnelles. L’employeur doit aussi prendre en compte les parcours de vie et les aspirations des collaborateurs qui conditionnent la capacité à se projeter dans une nouvelle étape d’une évolution professionnelle.

  1. Formation individuelle et collective

Mettre en œuvre des systèmes de formations, d’acquisitions et de maintien de compétences tout au long de la vie professionnelle ; il faut anticiper en organisant des formations collectives incluant systématiquement les seniors pour favoriser la cohésion interne entre plusieurs générations.

  1. Compétences et savoir-être

Ne pas rester uniquement sur des logiques de culture métiers et multiplier les formations au savoir-être et au faire-savoir (soft skills), développer la logique de compétences (vs celle de postes ou de métiers).

  1. Réseaux

Mettre en valeur l’importance de créer et de cultiver des réseaux professionnels et aider les collaborateurs à la mettre en œuvre. Le réseau personnel contribue plus à l’employabilité d’un salarié que ses compétences ou ses diplômes après 50 ans.

  1. Pilotage en continu

Anticiper et formaliser les principaux points d’inflexion des carrières pour mieux les piloter ; systématiser les rendez-vous de carrière à 35, 45, 55 ans et en rendre les comptes rendus transférables d’un employeur à un autre (avec l’accord du salarié concerné).

  1. Information

Mettre à disposition des salariés toute l’information disponible sur les dispositifs légaux de poursuite et de fin de carrières (prévention de la désinsertion professionnelle, aides différentielles au maintien dans l’emploi, transmission des savoir-faire, mécénat de compétence, diminution d’activités progressives…)

  1. Data et nouvelles technologies

Tirer parti des innovations technologiques pour anticiper et optimiser les solutions de déroulement de carrières et de prolongement d’activité, en faisant du « sur-mesure de masse » qui allie personnalisation des parcours et intérêts des entreprises.

  1. Santé et rebond

Mettre en place des dispositifs incitatifs pour les entreprises d’accompagnement des maladies chroniques et de gestion des situations de fragilité pour aider un retour à l’emploi ou l’obtention d’un nouveau contrat pour les seniors.

  1. Contrats gagnant-gagnant

Faire prendre en charge par la solidarité nationale une partie des salaires des seniors (jusqu’à 30%) pour inciter les entreprises à les garder plus longtemps, tout en leur conservant un revenu d’au moins 90% de leurs ressources antérieures. Des seniors au travail sont en meilleure santé et plus motivés et la collectivité en ressort financièrement gagnante.

 

 

 

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