FACE A L’EVOLUTION DE LEUR GOUVERNANCE, QUEL ROLE DES GPS DANS L’ASSURANCE FRANCAISE ? – SYNTHESE DU PETIT-DEJEUNER DU 30 SEPTEMBRE 2025

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Un nouvel Accord National Interprofessionnel (18 février 2025) a revu la gouvernance des Groupes de Protection Sociale. Qu’est-ce qu’un GPS ? Quelles spécificités apportent-ils au paysage assurantiel français ? Comment leur gouvernance va-t-elle évoluer ? Quels seront les impacts de ces changements ?

Après plus de 30 ans de carrière dans des Fédérations de Retraite Complémentaires Agirc-Arrco et dans un Groupe de Protection Sociale (GPS), Pierre Chaperon est spécialiste de la protection sociale en France. Depuis 2020, il a rejoint le cabinet Galea et nous livre son éclairage.

1/Pourquoi les GPS sont si mal connus

  • Même au sein du secteur de l’Assurance, la définition et le fonctionnement des Groupes de Protection Sociale (GPS) sont mal connus, en l’absence de statut juridique. L’Association Sommitale est une association Loi 1901. Les marques sont plus connues : Malakoff Humanis, AG2R-La Mondiale, Klesia, Agrica, Audiens, ProBTP… Les flux financiers sont pourtant importants : 140 Md€ par an. En 2025, la retraite complémentaire Agirc-Arrco représente 100 Md€ de cotisations et le secteur concurrentiel 40 Md€. Ce sont donc des acteurs importants de la Protection Sociale.
  • Aucune Loi ne définit un GPS bien que les entités qui les composent soient hyper contrôlées. Les Institutions de Retraite Complémentaires (IRC) le sont par la Fédération Agirc-Arrco et les structures assurantielles soumises à Solvabilité 2.
  • Les partenaires sociaux (représentants des organisations patronales et salariales) ont créé et règlementé ces structures grâce à trois accords paritaires fondateurs. Une opportunité d’avoir des « Maisons » à leurs mains ? Revers de la médaille : le risque de mise en cause de leur responsabilité en cas de difficultés financières, comme avec Humanis, par exemple et des retentissements négatifs sur les partenaires sociaux.
  • L’accord des partenaires sociaux le plus récent date du 18 février 2025. Il fait suite à trois textes conventionnels. La Fédération Agirc-Arrco est régie par le Code de La Sécurité sociale ainsi que les Institutions de Prévoyance (IP). Et c’est une grande force que le législateur ne s’en soit pas mêlé.

2/Une spécificité dans le paysage de l’Assurance.

  • Avant l’accord national interprofessionnel (ANI) du 18 février 2025, bref rappel sur les 3 accords précédents :
  • La création de la retraite complémentaire des cadres Agirc (1947), puis l’Arrco (1961) pour la retraite complémentaire de l’ensemble des salariés. Cette dernière était caractérisée par une grande complexité. Deux Fédérations distinctes qui se parlaient peu, en raison de réglementations différentes de régimes séparés. Afin de faciliter et simplifier les démarches des entreprises et des salariés, il fallait créer un guichet unique séparant au passage l’activité retraite complémentaire de la prévoyance alors mélangées, car née des caisses de retraite. D’où la création des Institutions de Prévoyance (IP), régies par le Code de la Sécurité Sociale (dites les « L4 »)
  • L’appellation GPS apparaît pour la première fois en 1996 avec une obligation : pas 1€ de la retraite ne devait servir à financer le champ concurrentiel des IP. Une volonté de séparation des deux activités était le reflet de la défiance. Et les Directives européennes imposeront cette séparation. La Loi Evin définira aussi la retraite par répartition et l’assurance par capitalisation. Cet accord a aussi vu naître l’Association Sommitale, structure faîtière des entités composant un GPS. La Fédération devait pouvoir interpeller un interlocuteur au sein des groupes. Les Directeurs Généraux ont été à l’œuvre pour la création des GPS, avec par exemple AG2R.
  • L’accord du 8 juillet 2009 est une référence et résulte d’un an de travail des partenaires sociaux, piloté par Georges Bouverot, alors DRH de Renault et président de l’Arrco. Il existait en effet des discussions, en particulier au sein du Medef, pour savoir s’il fallait maintenir ou pas les GPS. Très convaincu par la pertinence des GPS, Georges Bouverot lutte contre Denis Kessler alors président de la FFSA (Fédération Française des Sociétés d’Assurance) et l’UIMM pour la métallurgie, très négatifs sur le sujet. La reconnaissance de l’Association Sommitale est la clé de voûte des GPS car elle garantit la protection des intérêts de la retraite. Paritaire, elle est dotée d’une dimension politique et stratégique du GPS. Le rôle de l’association Sommitale est important, mais il convient de ne pas sous-estimer celui du Directeur Général. L’accord donne l’impression qu’il occupe un strapontin, mais la réalité est différente s’agissant par exemple du cas d’un GPS largement relayé dans les media professionnels.

3/Les nouveautés de l’ANI du 18 février 2025 et ses paradoxes

  • L’accord de 30 pages, du 18 février 2025, est « bavard ». Difficile en effet de savoir s’il s’agit d’une déclaration d’intentions, d’une pétition de principes… Cet accord reprend les règles antérieures avec le rôle majeur de l’Association Sommitale et les règles posant des difficultés ou prêtant le flanc à la critique. Ainsi, la Sommitale doit être présidée par des administrateurs issus de la retraite complémentaire, alors qu’elle n’est plus le centre d’intérêt du DG du GPS qui se préoccupe davantage du champ vivant du secteur concurrentiel sur lequel il y a des risques, à la différence de l’application des règles et du pilotage de la retraite complémentaire par la Fédération Agirc-Arrco. Dans l’esprit des administrateurs, il s’agit de protéger les intérêts de la retraite complémentaire en maîtrisant aussi l’activité concurrentielle des GPS. Mais la retraite complémentaire ne devrait-elle pas aussi craindre qu’en cas de difficultés sur le champ concurrentiel, elle soit appelée au secours ? Comment contrôler sans avoir le pilotage de l’ensemble par un administrateur retraite ? 1er paradoxe : si c’est la retraite qui téléguide l’Assurance, l’ACPR pourrait dire que la structure dominante est la Sommitale et non la SGAM (Société de Groupe d’Assurance Mutuelle), puisqu’elle fixe les orientations politiques et stratégiques du GPS. Autre paradoxe : les différentes entités assurantielles ne se limitent pas aux IP. La réglementation de l’Assurance et le contrôle prudentiel exercé par l’ACPR avec Solvabilité 2 exige d’avoir une vision globale des activités avec un interlocuteur par entité juridique ayant un statut de groupe prudentiel, structure de tête en Assurance, telle une SGAM ou une SGAPS (Société de groupe assurantiel de protection sociale). Or, le nouvel Accord conventionnel créé deux structures de tête avec l’Association Sommitale. Laquelle domine ? C’est une nouveauté par rapport à l’accord de 2009. En 2025, on assume l’idée que la SGAM soit soumise à l’Association Sommitale. Et dans la SGAM, il doit y avoir au moins un administrateur du champ paritaire, donc issu d’une IP. Le champ paritaire doit avoir la majorité ou à défaut, une minorité de blocage dans la structure de groupe prudentiel.

4/Quelles évolutions et cohabitations dans les années qui viennent ?

  • Se dirige-t-on vers une gouvernance des GPS unique ou duale ? La diversité des pratiques d’un groupe à l’autre rend difficile sa définition. Les Groupes professionnels, tels ProBTP, seraient-ils les seuls à être lisibles ? Les structures qui les composent sont à la fois contrôlées par l’ACPR, la Fédération Agirc-Arrco et le CTIP (Centre Technique des Institutions de Prévoyance) dont le rôle va évoluer. Il n’existe pas une instance de pilotage des GPS disposant d’une vision globale des activités, car le nouvel accord ne fait pas évoluer l’ICAAC (Instance de Coordination Agirc-Arrco-CTIP). C’est donc un nouveau paradoxe : la valeur ajoutée d’un GPS est réaffirmée mais il n’existe pas de régulation commune globale évitant un fonctionnement en silos. C’est un système vanté mais pas assumé. Il pourrait en résulter des risques de conflits d’intérêts en raison du grand écart entre la volonté de développement des GPS sur le champ concurrentiel et la préservation des intérêts de la retraite complémentaire.
  • Les GPS sont encore le bras armé des branches professionnelles et leur raison d’être est de servir le monde du travail. Si le GPS s’en éloigne trop, est-ce que les partenaires sociaux s’y reconnaîtront ? Quelle stratégie guide les DG, puisqu’elle ne l’est pas par les dividendes ?

 

Pour aller plus loin, l’article de Pierre Chaperon « GPS, entre intérêt général et marché », paru dans La Gazette du Palais, le 23 septembre 2025.

Et l’article de Pierre Chaperon « Accord sur la gouvernance des GPS du 18 février 2025 », paru dans Liaisons sociales, le 20 juin 2025.

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