Synthèse du petit-déjeuner : « Les assureurs ont-ils intérêt à faire de la prévention santé à long terme ? »

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Le 18 décembre 2018, l’UDAP organisait un petit-déjeuner « Les assureurs ont-ils intérêt à faire de la prévention santé à long terme ? »

Les questions suivantes

1/ Quels sont les enjeux ?

2/ Comment concilier les investissements avec la durée des contrats ?

ont été abordées dans une intervention de Quentin Bériot, DG de Unéo

 

Parcours de Quentin Bériot

DG de Unéo, la mutuelle des forces armées, depuis mars 2018, Quentin Bériot était auparavant directeur des opérations + Innovation santé et prévoyance de Covéa. Engagé dans la protection sociale (non lucrative), depuis plus de 20 ans. Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble ; titulaire d’un DESS à l’Institut d’Administration des Entreprises et du MBA du Centre des Hautes Etudes d’Assurances (CHEA) de l’Université Dauphine. Auteur du mémoire du CHEA tutoré par Claude Evin (décembre 2017) : « Pour une mutation des politiques de prévention dans les Organismes Complémentaires d’Assurance Maladie ».

 

1/Les enjeux (extraits du mémoire CHEA – résumé) :

La branche maladie est en déficit pour diverses raisons : la 1ère est la hausse des dépenses de santé, elle-même multifactorielles : vieillissement de la population (avec une dégradation de l’état de santé aux âges élevés) ; les progrès de plus en plus coûteux de la médecine… Les ALD, telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires, deux premières causes de décès en France également très coûteuses.

Par ailleurs, si le système de santé français est l’un des plus performants du monde, les dépenses sont aussi parmi les plus élevées (15 % supérieures à la moyenne de l’OCDE) mais avec un reste à charge des plus bas. Avec aussi de fortes disparités dans l’accès aux soins, selon le lieu d’habitation et la catégorie socio-professionnelle.

Un paradoxe hexagonal : l’espérance de vie après 65 ans est plus élevée qu’en Europe, mais la mortalité précoce (avant 65 ans) est supérieure. Les raisons ? Une surconsommation d’alcool et de tabac, notamment.

D’où un nécessaire rééquilibrage entre le curatif et le préventif.

Cependant, le virage de la prévention est difficile à prendre pour les Organismes Complémentaires d’Assurance Maladie (OCAM), car la « rentabilité » des investissements réalisés dans ce domaine, est difficile à démontrer.

Parce que la durée des contrats est trop courte et peu compatible avec une politique de prévention, qui par définition, s’inscrit dans le long terme.

 

2/Comment concilier les investissements avec la durée des contrats (extraits de l’intervention de Quentin Bériot – résumé) ?

Il est difficile de démontrer le retour sur investissement de la prévention santé, mais ce n’est pas impossible… Comment une entreprise d’assurance peut-elle le mesurer ?

Quentin Bériot : De quel retour sur investissement parle-t-on ? Une hausse du chiffre d’affaires liée à la prévention ? Une baisse du coût ou de la fréquence des prestations ? Une meilleure image ? Un plus dans un appel d’offres ? Le ROI pourrait avoir un sens si la cible dont elle fait l’objet était parfaitement identifiée. C’est un exercice difficile que celui de l’évaluation.

Regardons les ARS. Les ARS (Agence Régionale de Santé) sont très souvent dans une démarche d’évaluation des moyens consacrés à la prévention et pas des résultats. Et au niveau de l’Etat, même le budget des investissements consentis à la prévention s’inscrit dans une fourchette de 5 Md€ à 15 Md€.

Quel est l’intérêt des OCAM à agir ?

A l’instar de l’écologie, la prévention santé doit reposer sur une « conviction » forte.  Il faut donc trouver les moyens de la politique à mener.

Une politique de prévention doit être à minima constante et ciblée. Ainsi si, les branches, les Mutuelles affinitaires (comme Unéo) présentent un espace de réalisation privilégié ; compte tenu de leurs risques spécifiques et de l’horizon de temps.

Dans le même esprit, les OCAM ont intérêt à agir sur le sujet de la prévention pour fidéliser les grandes entreprises, les branches ou appuyer la logique affinitaire pour maîtriser les risques et pour illustrer leur engagement sociétal. Les clauses de désignation permettaient un financement de la prévention santé qui est aujourd’hui insuffisamment porté par le fonds de Haut Degré de Solidarité (HDS) lié au mécanisme des recommandations. D’une part, parce que ces recommandations n’attirent qu’une partie des entreprises vers l’organisme assureur. Et d’autre part dans les appels d’offres, il y a assez peu de demandes précises de la part des partenaires sociaux quant à l’utilisation des 2 % du HDS ou le fléchage vers la prévention.

En outre d’un point de vue économique, les effets de levier en France sont moins élevés que dans certains pays étrangers. En effet, les OCAM n’interviennent pas au 1er euro de dépenses. Le traitement d’un cancer par exemple ne représente qu’un surcoût, traitement de l’ALD (affection longue durée) pour l’OCAM de 20 %.

La santé présente un coût élevé qui continuera à croître. Il ne faut donc pas attendre de réduction des dépenses de santé, notamment du fait des évolutions technologiques et du vieillissement de la population. Aussi, notre objectif ne doit pas être uniquement de soigner mais doit également consister à améliorer la qualité de vie ; en cela la prévention tertiaire (accompagnement des personnes malades) est essentielle.

Les dispositifs de motivation sont-ils efficaces ?

Ils pâtissent de leur mauvaise image. Le « pay as you live » a mauvaise presse en France et à juste titre. D’ailleurs, même aux Etats-Unis où certains assureurs offrent 10 à 15 % de réduction de prime (elles sont en moyenne de 4 500€ par an et par personne), cela ne fonctionne pas. Si les assurés suivent un protocole (exercice physique, alimentation saine…), leur comportement « vertueux » ne dure que 3 à 6 mois… et finalement la ristourne (ou le cadeau) ne bénéficie qu’aux personnes qui adoptaient déjà un style de vie « vertueux ».

En France, les innovations en prévention qui fonctionnent s’appuient principalement sur des partenariats de nature à légitimer leur action (CPAM, ARS, organisations représentants des professionnels de santé et les parties prenantes telles que les branches professionnelles ou des métiers – par exemple Unéo avec les militaires -) pour travailler en complémentarité et bonne intelligence.

Par exemple, le médecin du travail peut être fortement impliqué dans la réduction des arrêts de travail liés à des comportements à risques (addictions et obésité, par exemple).

La prévention est souvent liberticide (interdiction de fumer ou de boire par exemple). Aussi, le « nudge » constitue une alternative aux mécanismes de sanctions ou d’obligations. Le « nudge » est une motivation inconsciente qui s’apparente à de la manipulation (valorisation et motivation inconscientes) et un moyen efficace de prévention durable. Elle doit répondre à une logique de test and learn.

Quelles pistes pour plus d’efficacité ?

Ainsi, l’OCAM doit développer une logique d’alliance avec des parties prenantes pour mettre en place des dispositifs « labellisés ». En effet, l’OCAM n’a pas à prendre de partie pris médical. En conséquence, il vaut mieux qu’il s’appuie sur des recommandations extérieures et légitimes telles que la HAS (Haute Autorité de Santé) par exemple pour ne pas être mise en cause en cas de mauvais conseil de prévention.

Enfin, Il est impératif de permettre l’accès aux données de santé à finalité uniquement de prévention, avec des conditions de sécurité spécifiques, afin de cibler les opérations pour en limiter le coût et accroître leur efficacité.

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