« COMMENT LE MANAGER PEUT-IL ETRE ACTEUR DE LA SANTE DE SES COLLABORATEURS », SYNTHESE DU PETIT-DEJEUNER UDAP DU 18 FEVRIER 2021

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Chaque année, les entreprises dépensent 1,7 milliard d’euros pour financer le système de santé au travail. Pourtant, les arrêts de travail ne cessent d’augmenter, en particulier les arrêts maladie de plus de 30 jours (+ 33 % entre septembre 2019 et septembre 2020) et surtout chez les 50 ans et plus (en cause, la maladie, les TMS et les troubles psychologiques), d’après l’enquête IFOP pour Malakoff Humanis, publiée le 16 novembre dernier.

Le nouvel Accord National Interprofessionnel sur la santé au travail, conclu le 9 décembre par les partenaires sociaux, est destiné à améliorer l’efficacité du système. Cet ANI Santé au Travail a été transposé dans la proposition de loi déposée par la majorité LRM, le 23 décembre et adoptée en commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale, le 10 février. Cette loi actuellement débattue dans l’Hémicycle a vocation à renforcer la prévention santé au travail.

 

Anne-Sophie Godon-Rensonnet, Directrice innovation chez Malakoff Humanis, une des meilleures spécialistes du sujet a apporté un décryptage, « sans tabous », en tant que cadre dirigeante de l’Assurance. Convaincue que l’entreprise est un territoire privilégié pour la prévention santé, elle anime une ambitieuse politique de partenariats et d’études dans ce domaine, depuis plus de 10 ans. Elle est la porte-parole du Comptoir de la nouvelle entreprise, le media du groupe de protection sociale dédié au décryptage des grandes tendances de l’Humain dans l’entreprise, depuis 2017. Anne-Sophie est également professeur associée au CNAM.

 

1/ Rappel des obligations de l’employeur en matière de santé au travail

  • L’employeur a une obligation de résultat et le Code du Travail recense 2 000 obligations destinées à protéger la santé et la sécurité des salariés.
  • Association paritaire, la « médecine du travail », devenue la « santé au travail », a pour mission de faire respecter ces obligations.
  • La visite médicale obligatoire et le document d’évaluation des risques contribuent à construire une politique de prévention.

 

2/ L’Accord National Interprofessionnel sur la santé au travail du 9 décembre 2020

  • L’ANI « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail » a été signé par 3 syndicats (CDFT, CFE-CGC et FO) et de 2 organisations patronales (MEDEF, l’U2P).
  • Les risques à couvrir par les entreprises ont été influencés par le contexte. Certains d’entre eux peuvent être qualifiés de « classiques », tels les risques physiques, chimiques, biologiques, les troubles musculosquelettiques…
  • S’ajoutent les risques psychosociaux pour lesquels le texte recommande plusieurs méthodes d’évaluation et de prévention. Comme précisé dans le texte, bien que les troubles psychosociaux puissent avoir des causes multiples, « l’employeur se doit d’évaluer et de mettre en place les actions de prévention en regard de son champ de responsabilité, c’est-à-dire celui lié à l’activité professionnelle », tout en respectant « strictement la vie privée du salarié », est-il précisé. Il est difficile cependant de répondre à une obligation de prévention globale tout en respectant la vie privée.
  • Les risques émergents, en particulier ceux qui sont liés aux nouvelles technologies (outils digitaux, intelligence artificielle).
  • Des risques extérieurs (sanitaires ou environnementaux par exemple) peuvent venir percuter l’activité de l’entreprise et doivent alors être pris en compte dans les démarches, en cohérence avec les consignes de crise des Pouvoirs Publics, prenant le relais de la réglementation ordinaire.

 

3/Les avancées de la proposition de Loi sur la santé au travail

Déposée fin décembre par deux députées LREM, Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, la proposition de loi reprend les avancées de l’ANI du 9 décembre 2020 en matière de prévention des risques professionnels.

Le texte renforce ainsi le rôle assigné au document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et comporte d’autres avancées :

  • Un passeport prévention est créé. Ainsi, l’ensemble des formations suivies par le travailleur et relatives à la sécurité et à la prévention des risques professionnels dont les formations obligatoires, ainsi que les attestations, certificats et diplômes obtenus dans ce cadre, seront mentionnés dans son passeport prévention.
  • Un fonctionnement amélioré des services de santé au travail avec la création de services de prévention et de santé au travail (SPST). Ils comporteront un socle commun de services ; ils seront certifiés sur tout le territoire ; le médecin du travail pourra déléguer certaines tâches à des non médecins, en réponse à la diminution de leur nombre, à hauteur de 1/3 du temps en entreprise.
  • Les médecins du travail et infirmiers pourront, avec l’accord du patient, accéder au dossier médical partagé afin de favoriser la connaissance de l’état de santé de la personne par le médecin du travail, et notamment les traitements ou pathologies incompatibles avec l’activité professionnelle. Réciproquement, le dossier médical en santé au travail (DMST) sera accessible aux médecins et professionnels de santé en charge du diagnostic et du soin, notamment afin d’apporter aux médecins les informations relatives aux expositions à des facteurs de risques professionnels du travailleur patient. Il prévoit également que le DMST devra suivre le travailleur tout au long de sa carrière professionnelle.
  • Une télémédecine du travail plus simple, pour ne pas avoir à se déplacer, mais consulter à distance depuis son domicile ou sur son lieu travail, depuis un espace dédié.
  • Une participation de la médecine de ville à la santé au travail, avec la possibilité de recourir à des médecins praticiens correspondants, disposant d’une formation en médecine du travail, pour contribuer au suivi autre que le suivi médical renforcé des travailleurs. Les modalités de formation et les conditions de cette contribution seront déterminées par décret.
  • La prévention de la désinsertion professionnelle est renforcée par un repérage précoce pour assurer un maintien en emploi avec une cellule dédiée, au sein des services de prévention et de santé au travail (SPST).
  • Une visite médicale à mi-carrière est prévue à 45 ans pour établir un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié. La question des seniors en entreprise continue donc d’être fixée en fonction de cet âge pivot. La nécessaire prolongation de l’activité professionnelle des seniors nécessiterait pourtant de reculer de 45 à 55 ans l’âge auquel s’appliquent les accords seniors dans les entreprises. L’UDAP a fait des propositions en ce sens (voir article sur udap.fr).
  • Les modalités des visites de pré-reprise et de reprise sont modifiées.
  • L’accès au dispositif de transition professionnelle, prévu par la loi Avenir professionnel de 2018, est amélioré. Cela devrait conduire à une meilleure utilisation du compte personnel de formation.
  • Les travailleurs intérimaires, salariés d’entreprises sous-traitantes ou prestataires pourront être suivis par le service de prévention et de santé au travail de l’entreprise utilisatrice ou donneuse d’ordre.
  • Après son examen en février à l’Assemblée Nationale, la proposition de Loi le sera en avril au Sénat.

 

4/Les effets négatifs du télétravail forcé sur la santé psychique des salariés en période de Covid-19 

  • Le nombre de jours par semaine en télétravail est passé d’une moyenne de 1,6 jour en 2019 à 3,6 jours en décembre 2020. Avec des salariés sur site ou en chômage partiel et des effets sur la santé physique et psychique liée à un télétravail massif et non préparé car imposé par la crise sanitaire. Se sont posées des questions de surcharge de travail et d’isolement, ainsi qu’une iniquité entre les télétravailleurs avec ou sans enfants, bénéficiant ou pas d’espaces, d’une bonne ou d’une mauvaise connexion internet…
  • Les salariés se déplaçant sur site sont plus exposés au virus et à l’inquiétude de la contamination et les salariés en chômage partiel ont peur de perdre leur emploi. Une situation qui fait aussi peser un risque sur la santé.
  • A la hausse des arrêts de travail de longue durée se sont ajoutées des maladies psychiques plus conjoncturelles. Ce sont des risques nouveaux auxquels sont confrontés les managers de façon soudaine et aiguë.
  • Les (télé) managers ont dû adapter la charge de travail de leurs collaborateurs, en fonction des situations personnelles. Ils ont dû maintenir la motivation, le lien, l’esprit d’équipe et l’ambiance ; rassurer, repérer les signaux faibles de mal être et communiquer.
  • Fin 2020, un essoufflement est constaté et l’avis des managers sur le télétravail est devenu plus mitigé : ¼ d’entre eux y sont défavorables et moins de 1 sur 2 émet un avis positif. Une tendance qui continue à s’accentuer alors que leurs collaborateurs sont toujours aussi favorables au télétravail.
  • S’ajoutent des préoccupations supplémentaires : les problèmes d’accès aux outils ; le maintien des liens collectifs ; les actions de formation… ainsi que la nécessité de repérer et accompagner les salariés en situation de fragilité.
  • Des managers fragilisés sont obligés de revoir leur manière de faire : sur les modalités de contrôle du temps de travail et sur la façon de déléguer. Ils déplorent un manque d’information et d’accompagnement et une moindre performance des salariés.
  • Les managers tirent aussi certains bénéfices de la situation, car en donnant plus d’autonomie à leurs collaborateurs, ils constatent une diminution des absences et une plus grande satisfaction de leurs collaborateurs.
  • Pour que le télétravail s’installe de façon positive dans la durée, il faut repenser l’organisation du travail et l’aménagement des espaces pour que la présence sur site corresponde à des moments de partage et de convivialité.

 

5/Le manager peut contribuer à préserver la santé de ses collaborateurs 

  • Pour être en capacité de prendre soin de ses collaborateurs, le manager doit prendre soin de sa propre santé et arriver à bloquer du temps dans son agenda pour « respirer » et prendre le temps de réfléchir. Il doit pouvoir gérer son énergie grâce à une bonne hygiène de vie (pratique d’une activité physique régulière, s’aérer, préserver son sommeil, manger sainement…). Le manager doit aussi s’autoriser à dire quand sa propre situation est compliquée.
  • Le manager doit actionner les leviers de la confiance, moteur de l’engagement de ses collaborateurs : la confiance dans l’image et la performance économique de l’entreprise ; la confiance dans les dirigeants ; la confiance en soi et en sa capacité à relever les défis ; la confiance en son avenir et la confiance dans son équipe.
  • Pour développer cette confiance, il faut pouvoir partager la stratégie de développement et la vision de l’entreprise ainsi que ses valeurs. L’exemplarité du dirigeant est essentielle pour que l’engagement citoyen et la RSE soient crédibles. La parole doit être libre, verticalement et horizontalement. Il faut veiller à un traitement équitable des collaborateurs, avec un cadre pour chacun, tout en respectant une culture du bien commun. L’attitude du manager doit être authentique.
  • Si un collaborateur ne va pas bien, en dépit des efforts déployés par le manager, la DRH peut l’orienter vers un médecin ou des solutions d’écoute et de prise en charge proposées par l’assureur santé.

 

6/Le manager idéal de demain

  • Le bon manager respecte les basiques : il doit décider ; motiver car il est garant de l’engagement de son équipe et contribuer au développement de ses collaborateurs pour maintenir leur employabilité.
  • Il doit être à l’aise avec les nouvelles méthodes de travail collaboratives et agiles.
  • Il doit être communiquant avec son équipe, développer la co-créativité en impliquant des retours de l’utilisateur final et faire la synthèse entre pensée analytique et pensée intuitive. Cette démarche de design thinking a vocation à devenir une véritable culture d’entreprise et se met au service de l’utilisateur interne et externe, de la création de produits et services ou de processus de l’organisation. Cela implique un changement important en matière de management de projets et d’équipes, partagé de tous et au bénéfice de chacun. Ce qui suppose aussi d’être à l’aise avec le numérique, la data et l’IA et de savoir répondre à de nouvelles tendances, telles que la prise en compte des enjeux environnementaux (émission de carbone) et de santé. Pour cela, il est nécessaire de développer de nouvelles compétences d’attention, de mémoire, d’optimisation de la gestion de son temps et de son énergie.
  • La fonction de manager est chahutée. A tel point que les DRH doivent faire face à des managers qui ne veulent plus l’être.
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